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Comment la réalité virtuelle révolutionne la formation des arbitres de football : Un projet Wak’a

Pierre Richer
30 mai 2025 – Temps de lecture 4 minutes

Introduction

Arbitrer un match de football est l’un des rôles les plus exigeants du sport : il faut à la fois juger rapidement, se placer idéalement, garder son calme sous pression, et comprendre chaque action dans sa globalité. Pour les arbitres semi-professionnels français (National 1 à National 3) qui aspirent à franchir un palier, la formation est essentielle, mais souvent limitée à de la théorie ou à l’analyse vidéo.

Depuis quelques années, la réalité virtuelle fait son entrée dans le monde du sport. Elle permet aux différents acteurs du sport de se plonger dans des environnements immersifs pour s’entraîner dans des conditions réelles, travailler la stratégie ou simuler des situations de match (Jia Y and al.Animated VR and 360-degree VR to assess and train team sports decision-making: a scoping reviewVirtual reality to assess and train team ball sports performance). On retrouve déjà des usages de la VR dans différents sports, tels que l’entraînement tactique au rugby/Football Américain ou encore la simulation de combats de boxe (**Jayden Daniels’ secret weapon: Training every day with a VR headsetQuand la réalité virtuelle muscle la performance des boxeurs**).

C’est dans cette dynamique que nous avons lancé ce projet : un outil de formation en réalité virtuelle dédié aux arbitres de football.

Pourquoi former les arbitres en réalité virtuelle ?

Les formations actuelles des arbitres reposent essentiellement sur de l’analyse d’actions, des échanges théoriques, et des tests vidéo. Si ces méthodes sont utiles, elles présentent une limite importante : il est impossible de s’entraîner en situation réelle. De plus, il n’y a aucun moyen d’évaluer le déplacement d’un arbitre sans avoir à observer un de ses matchs.

Or, la position de l’arbitre est déterminante pour juger correctement une action. Être à quelques mètres de trop, mal orienté, ou masqué par un joueur peut suffire à rater une faute clé. Pourtant, il est extrêmement difficile de reproduire des conditions de match pour entraîner cet aspect.

C’est là que la réalité virtuelle change la donne. Elle permet de plonger l’arbitre au cœur d’un match réel, de se déplacer librement, d’observer une action sous plusieurs angles, et de comprendre comment mieux lire le jeu pour prendre de meilleures décisions , et au final, avoir le meilleur positionnement pour avoir le bon angle, au bon moment.

Un projet concret : retranscrire un match réel en réalité virtuelle

Le projet repose sur une technologie de pointe : la computer vision. En analysant des vidéos de match à l’aide d’intelligence artificielle, il est possible de générer automatiquement les positions des joueurs et du ballon à chaque instant. Ces données sont récupérées sous forme de coordonnées (X, Y pour les joueurs, X, Y, Z pour le ballon), image par image, à une fréquence allant de 10 à 25 images par seconde.

La reconstruction 3D grâce aux caméras Genius

Dans certains stades professionnels, des caméras Genius sont installées pour capter des données précises sur les mouvements des joueurs. Ces caméras permettent de reconstruire les modèles squelettiques des joueurs en 3D, ce qui offre une base assez fiable pour la reconstitution des matchs dans l’environnement virtuel. Ces données sont essentielles pour reproduire fidèlement les dynamiques de ce sport.

Du terrain à la VR

À partir de ces données brutes, le processus comprend plusieurs étapes :
  • D’abord, nous avons une reconstruction du terrain et des joueurs par leur position gps de centre de masse
  • Ensuite nous avons la simulation de la trajectoire du ballon et des déplacements des joueurs, image par image.
  • Pour finir nous représentons les joueurs en 3D grâce à leurs données squelettiques.
Enfin, l’intégration dans un moteur de réalité virtuelle permet à l’arbitre, équipé d’un casque VR, de se placer librement sur le terrain, de revoir les actions à vitesse réelle ou au ralenti, et de revenir en arrière pour analyser un moment précis. Le rendu donne véritablement l’impression d’être sur le terrain, au milieu des joueurs. Par exemple, un corner joué rapidement peut être revécu depuis plusieurs points de vue : dans la surface de réparation, depuis la ligne de touche, ou encore depuis le centre du terrain. Cela permet à l’arbitre de comprendre, après coup, quel placement aurait été le plus pertinent pour mieux juger l’action.

Objectif : améliorer le positionnement et la lecture du jeu

L’arbitre n’est pas un simple observateur : il est un acteur essentiel de la dynamique du match. Chaque déplacement, chaque décision influence le rythme et l’équité du jeu. Un bon placement permet de mieux anticiper, de limiter les zones d’ombre, et donc d’améliorer la prise de décision.

Grâce à la VR, l’arbitre apprend à lire le jeu en temps réel. En explorant une action en trois dimensions, il développe un regard plus affûté sur les déplacements des joueurs, les intentions tactiques et les zones de danger. Il ne s’agit plus seulement d’être proche du ballon, mais de deviner où l’action va se jouer, et comment s’y positionner efficacement.

La liberté de mouvement dans l’environnement virtuel permet d’expérimenter, de tester différents placements, et d’en comprendre les conséquences. Ce type de travail, impossible à faire pendant un match réel, devient accessible, répétable, mesurable.

Enfin, ce projet expose les arbitres à des matchs de haut niveau, bien au-delà de leur championnat actuel. Cela permet d’anticiper les exigences du niveau professionnel : rythme plus soutenu, joueurs plus rapides, situations plus complexes. L’arbitre progresse plus vite, en toute sécurité, dans un environnement réaliste. Ces mises en situation les préparent aussi aux attentes des étapes vers le professionnalisme (accumuler de l’expérience, se faire repérer, réussir des tests physiques et théoriques, s’adapter au rythme de jeu supérieur), tout en les confrontant à des conditions proches de celles de la Ligue 2 ou Ligue 1.

Conclusion

Ce projet s’inscrit dans une logique d’avenir. En rendant possible l’entraînement immersif, répétable et mesurable, la réalité virtuelle répond à un besoin longtemps ignoré dans la formation des arbitres : se former sur le terrain, sans être sur le terrain.

Demain, ces outils ne seront plus des compléments, mais des éléments centraux du parcours de formation. Et peut-être même, des critères de sélection pour les futures élites de l’arbitrage français.

 

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